Les actions libératrices consistent à libérer la sociabilité naturelle de l'homme, à enlever les obstacles à sa manifestation. Le souci de l'autre est en nous; nous n'avons pas à le susciter de l'extérieur. Il convient et il suffit que nous enlevions les obstacles qui l'empêche de se manifester. Ces obstacles peuvent être de nature juridique, financière, psychologique ou institutionnelle.

Obstacles psychologiques

Ce qui ressort le plus clairement des analyses récentes des sociétés modernes, c'est que les individus se sentent frappés d'interdit dans leur attribut le plus fondamental: leur sens de l'humanité. Telle cette femme qui ne s'autorise pas à miser sur ses propres ressources pour ramener son mari à la vie familiale réelle et qui s'incline devant les conseils d'une psychologue qui la confirme dans son sentiment d'impuissance. Une dame écrit à une journaliste de La Tribune de Sherbrooke, pour lui confier ses malheurs virtuels: "Mon mari et moi vivons ensemble depuis vingt-huit ans. Voilà que mon mari a découvert Internet. Il est tellement en amour avec le système qu'il a tout délaissé, y compris ses responsabilités de père de famille et de conjoint". Réponse de la journaliste: "Un service professionnel est sûrement recommandé pour avoir une mise au clair avec votre mari."

Dans Who Cares? (Westview Press), David Schwartz suggère à ce propos un type d'intervention désarmant de simplicité, qui consiste à aider les gens à se désaliéner, à se requalifier en leur rappelant qu'ils peuvent, sans transgresser les lois éternelles, assumer eux-mêmes la plupart des pouvoirs dont ils ont l'habitude de se départir au profit des experts. Au risque, qu'il semble sous-estimer, de créer ainsi une nouvelle profession, David Schwartz emploie le mot "asker" pour désigner la personne qui prend l'initiative de téléphoner à un voisin pour lui demander de venir en aide à un handicapé, en rappelant audit voisin qu'il suffit d'être humain pour avoir la compétence requise par une telle action.

Obstacles juridiques

Une certaine "déjudiciarisation" s'impose. La règle de droit et la règle sociale ne peuvent pas dominer la scène simultanément. L'omniprésence de la règle de droit dans nos sociétés a introduit subrepticement une multitude de petits obstacles aux rapports sociaux. Si un enfant, inconnu de nous, pleure dans la rue, nous n'irons pas le consoler de peur d'être accusé de pédophilie. De même, nous interdirons la cour de notre maison aux enfants du voisinage, de peur des accidents qui pourraient survenir et des poursuites judiciaires que ces accidents pourraient entraîner. Dans les collèges, les universités, les hôpitaux, tous les lieux publics, les rapports entre les personnes de sexe différent, surtout lorsqu'il y a différence d'âge, sont totalement perturbés par la règle de droit. Comment faire revivre des communautés dans ces conditions?

Obstacles financiers

L'histoire du Fromentier, cette boulangerie conviviale connue de tous les Montréalais, est très intéressante à cet égard. Le fondateur a toujours accordé priorité à la mission sociale de son entreprise par rapport à la finalité habituelle qui est le profit. Pour cette raison précisément, il a eu toutes les peines du monde à obtenir les capitaux dont il avait besoin. Ces capitaux, ils les a obtenus finalement de ses clients, lesquels ont financé l'établissement de l'entreprise en achetant à l'avance le pain qu'ils consommeraient au cours des mois à venir.

Obstacles institutionnels

Chaque institution a ses normes, les unes implicites, les autres explicites. On doit faire telle chose de telle manière et non de telle autre. Par exemple, une entreprise normale qui œuvre dans le domaine des cosmétiques doit avoir en principe un important budget de publicité. La fondatrice de la chaîne Body Shop, Anita Roddick, a contribué à faire revivre une communauté en allant à l'encontre de ces normes institutionnelles. La compagnie Body Shop ne fait pas de publicité ou, plus précisément, elle fait sa publicité indirectement, en prenant des décisions ayant une portée sociale ou écologique. C'est ainsi qu'il y a une dizaine d'années, la compagnie a décidé d'installer une usine de savon dans le quartier le plus mal famé de Liverpool, un quartier où il y avait depuis longtemps 50% de chômage et plus. Cette décision audacieuse lui a valu une couverture médiatique qui fut sans doute plus rentable, d'un strict point de vue économique, que ne l'aurait été une action publicitaire conventionnelle.

 

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